Non seulement a-t-il entamé la construction du nouveau Porte-avions nucléaire de nouvelle génération de la Marine nationale, mais son carnet de commande est particulièrement bien rempli, avec les huit Frégates de Défense et d’Intervention françaises et grecques, les six grands bâtiments de guerre des mines, et les sept patrouilleurs hauturiers.
C’est toutefois dans le domaine de la construction de sous-marins que l’industriel français a spécialement brillé ce début d’année. Le site de Cherbourg, qui assemble les sous-marins en France, doit en effet livrer les 4 derniers SNA de la classe Suffren d’ici à 2031, à la Marine nationale, avant d’entamer le remplacement des 4 SNLE classe Triomphant, par les nouveaux SNLE 3G.
Surtout, après avoir obtenu de Jakarta la signature d’une commande pour deux sous-marins Scorpene Evolved dotés de batteries Lithium-ion, Naval Group s’est imposé dans la compétition néerlandaise, quelques semaines plus tard, pour quatre sous-marins Blacksword Barracuda.
Cette situation, déjà enviable, pourrait bien encore s’améliorer, dans les mois et années à venir. En effet, le français est engagé dans de nombreuses compétitions ou négociations à l’exportation, parfois de manière exclusive, susceptibles de se concrétiser dans les semaines ou mois à venir. Ce faisant, Naval group pourrait bien définitivement exorciser les derniers stigmates de l’épisode australien, pour entrer dans une période de succès commerciaux historique.
Naval Group organise la construction des deux Scorpene Evolved indonésiens
Peu après la signature, le 28 mars, de la commande des deux sous-marins Scorpene Evolved, pour la Marine indonésienne, Naval group a rapidement entrepris de préparer la construction des deux navires, qui sera effectuée sur le site de Surabaya City de PT PAL.
8 ans seulement pour construire localement et livrer les deux sous-marins indonésiens
Il faut dire que, contractuellement, l’industriel français, et son partenaire indonésien, se sont engagés à livrer les deux navires à la Marine indonésienne dans un délai de huit ans, après que le contrat sera entré en application.
Or, pour entamer ces constructions, ils devront d’abord adapter leur outil industriel, tout en déployant et organisant un réseau de sous-traitants locaux. Cette démarche s’avère particulièrement complexe, surtout lorsqu’il s’agit de donner au client final, la Marine indonésienne, les mêmes garanties d’efficacité et de bon fonctionnement concernant les navires, et leur maintenabilité, que s’ils avaient été assemblés à Cherbourg.
Fort heureusement, Naval Group n’en est pas à son coup d’essai dans ce domaine. Au contraire, l’industriel s’est fait, ces dix dernières années, une réputation de grande efficacité, lorsqu’il s’agit de transfert de technologies et de construction locale. D’abord en Inde, au point d’être gratifié du titre de meilleur industriel EOM par le ministère indien de la Défense il y a quelques années. Et, plus tard, au Brésil.
Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Naval Group, et PT PAL, son partenaire, ont déjà entamé ces deux chantiers stratégiques, avec la commande d’un portique de levage de 6000 tonnes, et les premières étapes du recrutement, de la contractualisation et de la formation, des sous-traitants.
Si le contrat de près de 2 Md€ constitue une motivation de premier plan pour les deux industriels, la possibilité de transformer le duo de sous-marins, en équipe de volley, est également en ligne de mire.
L’industrie navale indienne sur les rangs pour accompagner PT PAL dans la construction des Scorpene indonésiens
L’Inde observe avec une grande attention l’évolution de ce contrat franco-indonésien. Sans être alliés, les deux pays ont toujours suivi des trajectoires politiques proches, ayant notamment été les piliers des non-alignés dans les années 50, sous l’impulsion de Soekarno et Jawaharlal Nehru.
Depuis, New Delhi et Jakarta suivaient souvent des parcours parallèles, en matière d’équipements des armées, spécialement en équilibrant leurs acquisitions entre le bloc soviétique et occidental, durant la guerre froide.
Le programme de sous-marins Scorpene indonésiens, est suivi avec attention par New-Delhi, et surtout par les chantiers navals Mazagon. Dans l’attente de l’officialisation de la commande de 3 Scorpene supplémentaires, annoncée par Narendra Modi lors de sa visite officielle en France en juillet 2023, mais repoussée après les élections législatives indiennes, et en l’absence de progrès concernant le programme P75i, l’industriel fait effectivement face à un défaut d’activité, susceptible de menacer son outil industriel et l’ensemble de son réseau de sous-traitants durement mis en place avec Naval group.
La participation des indiens au programme indonésien, pourrait d’ailleurs représenter une opportunité pour Naval group. En effet, pour l’heure, les discussions franco-indiennes portent uniquement sur la construction locale de 3 Scorpene de la classe Kalvari supplémentaires, possiblement équipés à la construction, du dispositif AIP développé par l’industrie indienne.
Ainsi, la participation de l’industrie indienne permettrait à Naval group de promouvoir, de manière indirecte, la version Scorpene Evolved et ses batteries lithium-ion, qui représentent une alternative performante aux 3 Scorpene classe Kalvari, comme aux six sous-marins du programme P75i à venir, dont la propulsion AIP s’avère moins sensiblement moins efficace que celle du Scorpene Evolved.
Des discussions et compétitions prometteuses, mais complexes, pour les sous-marins de Naval Group
Les travaux préparatoires entourant le début de la construction des deux sous-marins Scorpene Evolved destinés à la Marine indonésienne, représentent, par ailleurs, une excellente opportunité pour tracer une image instantanée, de l’ensemble des programmes en cours, à venir ou en négociation, concernant les sous-marins de Naval Group, sur la scène internationale.
Après le traumatisme qu’a constitué l’annulation unilatérale du contrat australien par Melbourne, pour se tourner vers l’alliance AUKUS, les SNA classe Virginia et le sous-marin nucléaire d’attaque SSN-AUKUS, Naval group a mis les bouchées doubles pour s’imposer dans les compétitions internationales, y compris en venant directement chasser sur le terrain de l’Allemagne, grand leader dans ce domaine depuis les années 80.
Toutefois, les négociations en cours s’avèrent toutes complexes, très disputées, et contraintes par de nombreux paramètres. Elles montrent, cependant, que Naval Group est particulièrement combattif, et que l’industriel s’est positionné sur un ensemble de marchés particulièrement prometteur.
Pays-Bas : Le mur parlementaire reste à passer pour confirmer les 4 Blacksword Barracuda
Après l’Indonésie, la confirmation du succès du Blacksword Barracuda, aux Pays-Bas, est sans conteste le dossier le plus attendu par Naval Group. Mi-mars 2024, le ministère néerlandais avait, en effet, annoncé la victoire de l’industriel français, concernant l’appel d’offres pour le remplacement des quatre sous-marins de la classe Walrus.
Alors que la préférence nationale semblait s’imposer en faveur de l’alliance Damen-Saab, c’est le Blacksword Barracuda français, une version plus compacte du Shortfin Barracuda sélectionné initialement par l’Australie, qui a été retenu par La Haye. Et pour cause : il est apparu, rapidement, que l’offre française était moins chère de 1,5 Md€, que celle de ses concurrents, soit 25 % du prix du programme, selon la presse spécialisée batave.
Impossible, dans ces conditions, aux arbitres de l’appel d’offre, de faire jouer la préférence nationale. Toutefois, la victoire de Naval Group a été présentée avec d’importantes réserves par le ministère de la Défense, puisque qualifiée de « temporaire », tout au moins, jusqu’à la validation par le Parlement néerlandais.
Depuis, Damen comme TKMS, multiplient les déclarations dans la presse et les actions de lobbying auprès des parlementaires, pour mettre en cause l’honnêteté de l’offre française, estimant qu’il est impossible que l’industriel puisse produire des navires aussi performants avec un tel écart de prix.
Alors que la validation par le Parlement batave, désormais aux mains d’une coalition à majorité nationaliste, doit intervenir au début du mois de juin, il revient désormais à Naval group de justifier efficacement un tel écart de prix. S’il y parvient, il enregistrera, alors, la première commande européenne de sous-marins français, depuis les Agosta espagnols, à la fin des années 70.
Inde : la commande des 3 Scorpene de la classe Kalvari supplémentaires reportée après les élections indiennes
Le second dossier en courte finale, pour la division sous-marine de Naval group, concerne les 3 sous-marins de la classe Kalvari, dont al commande a été annoncée à l’occasion de la visite de Narendra Modi pour le 14 juillet 2023, parallèlement à 26 Rafale Marine.
Or, presque un an plus tard, aucun de ces contrats n’a été officialisé par New Delhi, en dépit de l’urgence, alors qu’en l’absence de Rafale M, le nouveau porte-avions Vikrant n’a tout simplement pas de groupe aérien embarqué.
Surtout, comme évoqué précédemment, l’outil industriel construit par Mazagon Shipbuilding et Naval group, autour du programme P75 et des six Kalvari, est désormais menacé par le manque d’activité, alors que ni les trois Scorpene supplémentaires, ni les six nouveaux sous-marins AIP du programme P75i, n’ont été commandés.
Ne pouvant être conclues avant la fin de l’année 2023, les négociations pour les 3 Kalvari et les 26 Rafale M, ont été repoussées au-delà des élections législatives indiennes, qui doivent se tenir au début du mois de juin.
On peut toutefois s’attendre à ce que les six mois de délais supplémentaires dans les négociations, auront été mis à profit par la Marine indienne et Naval Group, en particulier pour ce qui concerne le Scorpene Evolved et ses batteries lithium-ion.
Bien plus performantes que les batteries classiques des Kalvari, ou que les systèmes AIP qui doivent équiper les six sous-marins du programme P75i, ces batteries peuvent, en effet, séduire la Marine Indienne, bien au-delà des trois sous-marins évoqués, avec un possible débordement sur le programme P75i, qui séduit de moins en moins à New Delhi.
Pologne : Naval Group peut croire en ses chances pour le programme Orka de 3 sous-marins
Lancé depuis une dizaine d’années, le programme polonais Orka, a connu de nombreuses évolutions. Ces dernières années, les chances de Naval Group semblaient compromises, face à la politique menée par le Parti conservateur polonais PiS au pouvoir, excluant autant que possible les équipements français ou allemands pour les contrats d’armement. L’arrivée de Donald Tursk et de la coalition pro-européenne de centre gauche, à la tête du gouvernement, change désormais la donne dans ce dossier.
Plusieurs offres ont été transmises à Varsovie concernant le programme Orka, qui porte sur la construction de trois sous-marins conventionnels à capacités océaniques, dont une offre allemande, une suédoise, une espagnole, une sud-coréenne et, bien évidemment, une offre française, qui pourrait bien s’imposer sans contestation, dans cette compétition.
Paris propose, en effet, outre un modèle de sous-marin performant équipé de batteries lithium-ion, un ensemble d’équipements et d’armements au fonctionnement éprouvé, comme la torpille lourde F21, le missile antinavire SM39, et surtout le missile de croisière MdCN. Il semblerait même que les autorités françaises ont approuvé une coproduction de ces missiles, ce qui permettrait, et tel est le but, de lever la limite internationale de portée maximale à 300 km, associée à l’exportation de missiles de croisière, ce qu’aucun autre industriel, pas même Hanwha Ocean, peut proposer.
On notera que si, jusqu’à présent, le modèle Scorpene, potentiellement Evolved, a toujours été présenté comme le support de l’offre française, on peut penser, aujourd’hui, que Naval Group a pu proposer à Varsovie le même Blacksword Barracuda que celui retenu par La Haye, peut-être avec l’objectif de faire émerger un club Blacksword entre les deux pays européens, pour en optimiser les couts de production et de maintenance.
Indonésie : 4 sous-marins supplémentaires à venir
Au-delà des deux Scorpene Evolved commandés il y a quelques mois par Jakarta, la Marine indonésienne entend se doter, dans les années à venir, de 4 sous-marins supplémentaires, pour atteindre une flotte de 12 submersibles.
Bien évidemment, Naval Group et le Scorpene Evolved, ont toutes les cartes en main, pour s’imposer dans cette compétition à venir. En effet, l’ensemble de l’outil industriel et du réseau de sous-traitance, aura été organisé autour de la production des Scorpene Evolved. Il serait donc beaucoup plus efficace et économique, de les réutiliser pour produire les quatre derniers sous-marins attendus par la Marine indonésienne, que de se tourner vers un autre modèle.
Reste qu’après l’épisode des sous-marins sud-coréens de la classe Nagapasa, dérivés du Type 209 batch I de la classe Jang Bogo, et les nombreuses difficultés industrielles et défaillances techniques rencontrées, Jakarta a choisi de privilégier la sécurité, et de ne s’engager que sur deux navires.
À Naval Group, et son partenaire PT PAL, de faire leurs preuves, en livrant en temps, en heures, et avec la qualité attendue, les deux navires. Ce faisant, il serait très surprenant que les autorités indonésiennes décident de se tourner vers un autre modèle, pour les quatre sous-marins restants à produire.
Une dizaine de compétitions et discussions en cours, pour les sous-marins français
Au-delà de ces quatre dossiers, Naval Group est engagé dans des discussions plus ou moins exclusives et/ou avancées, pour la vente et la construction de sous-marins à l’exportation.
En Europe, les discussions avec la Roumanie, pour la construction de deux Scorpene, avaient rapidement avancé jusqu’en 2022, et la décision, par Bucarest, de donner la priorité à l’acquisition de chars, canons automoteurs, VCI et avions de combat américains et sud-coréens, pour faire face à l’évolution de la menace russe.
En Asie, la Malaisie avait annoncé, il y a un an, son intention de se doter de sous-marins supplémentaires, en plus des deux Scorpene précédemment acquis. Les Philippines, pour leur part, ont été activement courtisées par la France et l’Espagne, pour créer la première flotte sous-marine du pays. Ce projet est toutefois en balance avec d’autres arbitrages budgétaires militaires, notamment l’acquisition d’avions de combat, en particulier pour faire face à la pression croissante de la Marine chinoise en mer de Chine du Sud.
L’Amérique du Sud est également un continent prometteur. En effet, l’Argentine avait indiqué son intention de reconstituer une flotte sous-marine, après avoir mis en sommeil la sienne après le drame du Santa Fe. Comme pour les OPV Gowind, Naval Group était considéré comme le partenaire privilégié d’un tel programme. Cependant, la récente acquisition des F-16 Danois par Buenos Aires, aura probablement vidé les capacités d’investissements des armées argentines, pour plusieurs années.
En revanche, le Chili va devoir remplacer ses deux Type 209, alors que la Marine chilienne, premier opérateur historique du sous-marin français, ne tarie pas d’éloge à son sujet. De même, la Colombie va devoir, elle aussi, remplacer ses deux Type 209, ainsi que les deux Type 206 acquis d’occasion il y a une dizaine d’années.
Surtout, la coopération franco-brésilienne semble prête à franchir une nouvelle étape dans le domaine des sous-marins, qu’il s’agisse d’accroitre l’appuie de l’industrie navale française, dans le programme de sous-marin nucléaire d’attaque brésilien, mais aussi pour agir comme pivot industriel et commercial, de l’offre française dans le domaine des sous-marins.
L’Afrique du Nord, et le Moyen-Orient, complètent ce tour du monde des opportunités commerciales de Naval Group, en matière de sous-marins. D’abord, en méditerranée, avec le Maroc qui étudie la possibilité de se doter d’une flotte sous-marine, en particulier pour contenir la montée en puissance de son voisin algérien, qui peut s’appuyer sur le soutien de Moscou dans ce domaine.
L’Égypte, pour sa part, aurait entamé les négociations avec Naval group pour se doter de six sous-marins océaniques Barracuda. Un tel contrat serait, bien évidemment, stratégique, tant pour Le Caire que pour l’industriel, mais les autorités égyptiennes ne disposeraient pas des capacités de financement nécessaires, avant plusieurs années.
Enfin, de récentes indiscrétions ont fait état de discussions entre la France et l’Arabie Saoudite, sur des sujets de coopérations militaires et industrielles étendues, allant du chasseur Rafale, à la création d’une flotte sous-marine saoudienne.
Conclusion
On le voit, les semaines à venir, vont de révéler déterminantes, pour Naval group, et particulièrement pour sa branche sous-marine. Si tout se passe comme prévu, il pourrait, en effet, obtenir la validation de la commande portant sur les trois sous-marins Kalvari supplémentaires indiens ou toute autre évolution autour de ce contrat, ainsi que celle du Parlement néerlandais, pour la commande des 4 Blacksword Barracuda.
Une validation, dans ce dossier, de la part de La Haye, pourrait ouvrir la porte d’une nouvelle période particulièrement faste pour la construction sous-marine française, en validant, sur la scène internationale, des prix de revient très inférieurs à ceux des concurrents européens, sans renoncement sur les performances.
On comprend, ainsi posé, que cet arbitrage parlementaire, pourrait s’avérer encore plus déterminant pour les autres industriels européens, TKMS et Saab-Kockums, qui pourraient en ressortir avec une étiquette de prix excessifs. Rien de surprenant, dans ces conditions, que les deux entreprises européennes, se montrent particulièrement agressives à ce sujet, craignant, très certainement, les conséquences d’un arbitrage défavorable sur leur image internationale.
Une victoire, pour Naval group, permettrait, en revanche, de définitivement tourner la page de l’échec australien, avec un potentiel commercial sans équivalent sur la scène internationale, pour convertir en succès, les nombreux dossiers ouverts par ses équipes de négociateurs.
Article du 22 mai en version intégrale jusqu’au 21 juillet
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