Toutefois, face aux difficultés anticipées en matière de démographie et de recrutement pour les armées, plusieurs pays ont entrepris, à nouveau, d’intensifier l’éducation nationaliste et militaire de leur jeunesse.
C’est en particulier le cas des deux plus importantes puissances militaires en trajectoire de confrontation avec l’occident aujourd’hui, la Fédération de Russie, et la République Populaire de Chine.
En effet, Pékin comme Moscou ont engagé, depuis quelques années, une intensification et une extension des programmes éducatifs, scolaires et périscolaires, visant à donner une formation militaire et paramilitaire à leur jeunesse, parfois dès la maternelle et l’école primaire.
Le mur démographique qui menace les armées russes et chinoises à moyen terme
Comme de nombreux pays développés, la Russie et la Chine souffrent d’une démographie problématique, avec une fertilité en berne, et une espérance de vie qui s’allonge, entrainant un important vieillissement de la population. Si ces trajectoires posent d’importants problèmes à venir en matière d’économie et de modèle social, ils sont, aussi, un puissant frein aux ambitions militaires affichées par leurs pouvoirs politiques respectifs.
La menace de la pyramide des âges chinoise
Ainsi, la pyramide des âges chinoise montre une structure, en 2040, avec une surreprésentation des tranches d’âge de 54 à 75 ans, en particulier face aux tranches de 20 à 44 ans.
Ce faisant, la Chine devrait atteindre une population maximale de 1,450 milliards d’habitants en 2030, avant de la voir décroitre pour revenir sous les 1,300 milliards d’habitants, en 2060. La population en âge de travail, elle, passera de 911 millions en 2015, à 830 millions en 2030, et même 700 millions, en 2050.
Cette trajectoire est d’autant plus problématique, pour Pékin, que le voisin indien, lui, a une démographie très dynamique, qui atteindra 1,5 milliard d’individus avant la fin de la décennie, et 1,7 milliard en 2050. Surtout, à cette date, la population indienne, en âge de travailler, dépassera les 1,1 milliard d’individus, soit presque 60 % de plus que la Chine.
En outre, alors que la population chinoise en âge de rejoindre les armées tendra à diminuer rapidement dans les années à venir, de récents rapports en provenance de l’APL, indiquent que celle-ci rencontre d’importantes difficultés pour trouver des candidats répondant aux critères physiques exigés.
Ainsi, alors que l’APL recrute, à présent, 70 % de jeunes diplômés, il est apparu, depuis quelques années, que 60 % d’entre eux étaient inaptes physiquement, en partie en raison de très nombreuses fortes myopies.
La fertilité des femmes et l’effondrement démographique qui se profile en Russie
Les jeunes russes, quant à eux, sont en bien meilleure condition physique que leurs homologues chinois, et même occidentaux. En revanche, ils sont de moins en moins nombreux, au point de créer une épée de Damoclès sur l’avenir des armées du Kremlin.
Et pour cause : la fertilité des femmes russes s’est effondrée ces dernières années, passant de 1,78 enfant par femme en 2015, à 1,43 en 2024, après avoir atteint un plus bas historique de 1,2 en 2000.
Ce déficit de naissance n’est, par ailleurs, pas compensé par l’immigration dans le pays, avec un taux d’immigration net de 0,6 pour 1000 habitants en 2023, un taux en baisse constante depuis le début de la guerre en Ukraine. À titre de comparaison, ce taux était, en 2023, de 0,967 en France, de 1,74 en Allemagne, de 2,24 au Royaume-Uni et de 2,75 aux États-Unis, tous ces pays ayant une fertilité plus élevée, allant de 1,56 (RU) à 1,86 (Fr).
Conséquences pour la Russie, sa population, en âge de travailler, est aujourd’hui sur une trajectoire décroissante rapide, passant de 80 millions à 65 millions d’ici à 2050, ces projections ne prenant pas en compte le déficit démographique qui résultera de la guerre en Ukraine. La population du pays, elle, devrait stagner dans le meilleur des cas autour de 145 millions d’habitants d’ici à 2040, ou décroitre jusqu’à 133 millions, à cette même date.
Des initiatives politiques pour soutenir et relancer la natalité en Russie et en Chine
Face à cette menace parfaitement identifiée, Pékin comme Moscou ont entrepris d’engager de nouvelles réformes visant à relancer la natalité, pour tenter d’inverser ces courbes. Ainsi, dès 2006, Vladimir Poutine lança le programme « Capital Maternel », allouant à chaque couple une somme de 639 431 roubles (en 2021, soit 7400 euros) lors de la naissance du second enfant. Cette politique permit, un temps, d’inverser la chute de la natalité russe, jusqu’en 2015.
Toutefois, les incertitudes économiques et géopolitiques apparues avec les tensions avec l’occident, et le durcissement du régime de Vladimir Poutine, entrainèrent une nouvelle chute de cet indice, ininterrompue jusqu’à présent, alors qu’il passait sous la barre des 1,5 enfant par femme, en 2022.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la natalité est devenue un enjeu stratégique pour le Kremlin, et Vladimir Poutine a annoncé, en décembre 2023, nouvelle politique de natalité, alliant incitation et répression, notamment en pénalisant « l’incitation à l’avortement ».
Pour autant, rien n’indique, à ce jour, que ces mesures sont en mesure d’altérer la décroissance constatée, ce d’autant que les conséquences de la guerre en Ukraine, sur les structures familiales russes, demeurent inconnues, en particulier pour les républiques de l’est, les plus fertiles, mais les plus pauvres, et celles qui procurent le plus de soldats aux armées engagées en Ukraine.
Marquées par la politique de l’enfant unique, les réactions de Pékin, aux défis démographiques qui se profilent, apparaissent beaucoup plus mesurées. Ainsi, ce n’est qu’en 2016 que cette politique a été abrogée. En 2021, tous les couples mariés ont été autorisés à avoir jusqu’à trois enfants.
Là encore, les effets de ces changements de politiques ne se font pas encore percevoir, d’autant que la population chinoise a été lourdement marquée par la crise Covid, et surtout par les difficultés économiques rencontrées dans le pays ces dernières années.
La montée en puissance de la militarisation de la jeunesse chinoise, pour accroitre l’attractivité des armées et la condition physique des jeunes chinois
De fait, l’Armée Populaire de Libération doit, aujourd’hui, anticiper une diminution sensible du vivier admissible de jeunes chinois pouvant servir sous les drapeaux. Afin de coller aux ambitions affichées par Pékin de se doter de la plus puissante armée mondiale en 2049, et certainement, même, avant cela, celle-ci doit donc augmenter simultanément le nombre de volontaires répondant à ses critères de formation, ainsi que la condition physique des jeunes chinois.
Pour ce faire, en 2018, les ambitions et les moyens attribués à la formation militaire et patriotique obligatoire de l’ensemble des lycéens et étudiants chinois, ont été sensiblement augmentés, alors qu’elle était, au même moment, étendue aux élèves des collèges.
Ainsi, tous les jeunes collégiens chinois reçoivent, depuis 2022, une formation de combat au corps à corps, alors qu’une part croissante d’entre eux, reçoit également une formation en matière de pilotage de drones FPV. En outre, tous sont exposés à des formations patriotiques de plus en plus intensives, dans le but avoué de créer une population de patriotes dévoués et fidèles au pays et au Parti communiste chinois.
En 2024, la formation a été étendue, pour expérimentation, auprès de presque 2500 écoles primaires, pour améliorer la sensibilisation et les compétences militaires des enfants. « Si vous recevez une éducation à la défense nationale le plus tôt possible, qu’il s’agisse de la condition physique, de l’identité nationale ou de la construction d’une pensée patriotique, vous aurez une vision correcte sur la façon de protéger le pays » indique Lu Li-shih, ancien instructeur de l’académie navale chinoise.
Ainsi, tous les élèves de ces écoles vont recevoir, cette année, une formation, durant sept jours, aux techniques de combat, la formation militaire devenant, depuis un an, une composante à part entière du cursus éducatif chinois.
Au-delà des formations techniques, les jeunes chinois recevront une formation géopolitique, expliquant les menaces que font peser les États-Unis et leurs alliés, sur la légitime croissance chinoise, l’occident étant explicitement présenté comme la menace principale et existentielle qui fait face à la Chine. On imagine bien ce que de tels discours pourront produire sur les esprits malléables des enfants et adolescents, en Chine.
Un cursus paramilitaire intégré aux cursus secondaires traditionnels en Russie, tout en intensifiant l’éducation nationaliste dès la primaire
La situation n’est pas moins préoccupante en Russie. Ainsi, en 2024, le Kremlin a alloué 511 m$ au programme « Éducation patriotique des citoyens de la Fédération de Russie« , alors que celui-ci n’était que de 50 m$ en 2014. Ces fonds sont répartis vers différentes organisations paramilitaires étatiques, comme le « Mouvement du Premier« , « L’Armée de la jeunesse« , le « Big Change » ou encore le mouvement « Eaglets of Russia« .
Ces associations de jeunesse patriotiques avaient disparu du paysage russe après l’effondrement du bloc soviétique. Elles sont réapparues, mais discrètement, dès l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin, en 2000, et ont suivi une courbe ascendante depuis, avec deux pics de croissance notables, après l’annexion de la Crimée, en 2014, et le début de la guerre en Ukraine, en 2022.
Depuis deux ans, cependant, cette formation paramilitaire est entrée de plain-pied dans les écoles et universités russes, avec un caractère obligatoire intégré aux différents cursus de formation.
Comme en Chine, les jeunes collégiens, lycéens et étudiants russes, recevront donc une formation au combat au corps à corps, ainsi qu’une instruction sur les objectifs du pays, et les devoirs du citoyen, notamment en termes de natalité. Ainsi, les jeunes filles russes sont désormais formées pour avoir au moins trois enfants, tout en visant des familles de huit enfants. La dévotion à la patrie, le nationalisme et l’obéissance à l’état font, aussi, pleinement partie de cette formation, qui arrivera, bientôt, dans les écoles primaires.
Conclusion
On le voit, la collision entre les ambitions militaires et géopolitiques des dirigeants russes et chinois, avec la réalité démographique qui menace ces deux pays, a créé le cadre d’une initiative, si pas commune, en tout cas particulièrement proche, pour faire entrer la formation militaire et patriotique dans les écoles, de la primaire jusqu’à l’université.
Le discours et la nature des formations données à ces jeunes esprits, n’est pas sans rappeler d’autres initiatives comparables, par le passé, ayant le plus souvent engendré des désastres, pour leurs voisins, et surtout pour la jeunesse de leurs propres pays.
Reste que ces politiques, peu visibles, créent une trajectoire belliqueuse croissante pour ces deux pays, qui n’avaient pourtant vraiment pas besoin de cela pour représenter, déjà, l’épicentre des préoccupations et inquiétudes géopolitiques mondiales.
Ce d’autant que les pays occidentaux, désignés comme l’adversaire, voire l’ennemi, aux jeunes russes et chinois, ne se livreront jamais à telles dérives (ou du moins, peut-on l’espérer), alors que leurs armées, comme celles de ces deux pays, font également face à d’importantes difficultés en matière d’effectifs.
Article du 16 juillet en version intégrale jusqu’au 25 aout 2024
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نشر الخبر اول مرة على موقع :meta-defense.fr بتاريخ:2024-08-22 15:55:49
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