Pire encore, le remplacement même de ces 5 frégates, au statut fluctuant selon les besoins, et pour autant très utiles à la planification de la Marine française, n’est pas même abordé par cette LPM, laissant un vide capacitaire de 25 % dans la flotte française d’escorteurs de haute mer, à partir de la prochaine décennie.
Toute la question, aujourd’hui, est de comprendre l’origine de ce format de 15 escorteurs établi par la RS 2022, pour déterminer si, oui ou non, la Marine nationale a besoin de remplacer des cinq navires, ou si ces frégates de second rang, sont dorénavant inutiles, entre les performances accrues des frégates modernes, et les évolutions des menaces au-dessus, et en dessous de la surface.
Le format de 15 frégates de 1ᵉʳ Rang de la Marine nationale, un héritage des années 80
Contrairement à la flotte des avions de chasse ou de chars français, divisées par 3 après la guerre froide et l’arrivée des bénéfices de la paix, les escorteurs de la Marine nationale, eux, n’ont pas évolué, en nombre, depuis les années 80.
Ainsi, en 1989, la Marine nationale alignait déjà 15 escorteurs dits de premier rang, avec deux destroyers antiaériens classe Suffren, deux frégates antiaériennes classe Cassard, trois frégates anti-sous-marines T-67 classe Tourville, sept frégates anti-sous-marines T-70 classe Georges Leygues, et une corvette anti-sous-marins C-69, classe Aconit.
À ces 15 escorteurs, s’ajoutaient 17 avisos escorteurs A-69 classe d’Estienne d’Orves, des navires équipés pour la lutte anti-navire et la lutte-anti-sous-marine côtière, ainsi que pour les missions de moindre intensité.
Les frégates et destroyers français avaient pour mission d’escorter les deux porte-avions de la classe Clemenceau, les deux navires d’assaut amphibie classe Ouragan, et le porte-hélicoptère Jeanne d’Arc. Ces navires pouvaient également servir d’escorte au croiseur Colbert, ayant, lui aussi, la fonction de Capital Ship, ou navire amiral.
Typiquement, un porte-avions français était escorté d’un escorteur anti-aérien, de deux frégates de lutte anti-sous-marine, et de deux avisos, et était accompagné par un pétrolier ravitailleur, un SNA classe Rubis, et un ou deux avions Breguet Atlantique de patrouille maritime. Les TCD et la Jeanne d’arc, en revanche, n’étaient escortés au combat que par un escorteur anti-aérien, un escorteur ASM et un aviso, le dispositif sous-marin et Patmar étant variable selon les missions.
Ce faisant, la Marine nationale avait la possibilité de protéger simultanément un groupe aérien et un groupe amphibie, tout en conservant quatre frégates anti-sous-marine et une frégate anti-aérienne par façade maritime, dont une à la mer, une en alerte, deux à l’entrainement, et une en maintenance. Ces navires, ainsi que les A69 restant, pouvaient servir à renforcer les besoins d’escorte, ou à constituer un ou deux groupes d’action navale à part entière.
De fait, bien que sensiblement inférieure, en nombre de navires, à la Royal Navy, la Marine nationale disposait, alors, d’une flotte d’escorteurs parfaitement en cohérence avec ses besoins.
Les FLF classe Lafayette remplacent une partie des avisos A-69 à partir de 1996
À partir de 1996, la Marine nationale commença à réceptionner les nouvelles frégates légères furtives de la classe Lafayette. Initialement, la classe devait être formée par 7 navires polyvalents, avec 12 missiles Aster 15 en cellules de lancement vertical, 8 missiles antinavires MM40 Exocet, ainsi que d’un sonar de coque pour la lutte anti-sous-marine, d’un canon de DCN 100 et d’un hélicoptère Panther.
L’arrivée de ces navires devait permettre de retirer du service la corvette C-69 Aconit, ainsi que 8 avisos escorteurs A-69, tout en portant la flotte d’escorteurs à 21 navires. On retrouvera ce même format, dix ans plus tard, lorsque la Marine prévoyait d’acquérir 4 frégates Horizon, et 17 frégates FREMM. Toutefois, la classe Lafayette est arrivée alors que la menace soviétique avait disparu, que les budgets des armées étaient revus à la baisse, et que la conscription était suspendue.
Dès lors, non seulement le nombre de navires fut ramené à cinq navires, mais l’armement et l’équipement des frégates fut revu à la baisse. Le système Aster fut ainsi remplacé par le même système Naval Crotale que les Tourville et Georges Leygues, bien moins performant, mais aussi moins onéreux, alors que le sonar des navires ne fut jamais installé.
Ne pouvant plus qualifier les Lafayette d’escorteur, car n’ayant ni les capacités anti-aériennes, ni anti-sous-marines pour cela, la Marine nationale inventa le concept de frégates de second rang, des navires mieux armés que les avisos et patrouilleurs, mais inadaptés pour évoluer, seul, en zone de tension.
Trois des cinq Lafayette ont été modernisées à partir de 2019, en recevant, pour l’occasion, un sonar de coque BlueWatcher de Thales, et le système Sadral à 6 missiles Mistral, prélevé sur 3 T-70 retirées du service de 2015 à 1018, en lieu et place du Naval Crotale.
Cette modernisation doit permettre à la Marine nationale de conserver un format proche des 15 frégates de premier rang, exigé depuis le LBDSN 2013 et par les deux revues stratégiques depuis, après que la décision de remplacer des cinq dernières FREMM ASM, par les cinq FDI de la classe Amiral Ronarc’h, ait entrainé un étalement des livraisons des nouvelles frégates.
Pour autant, les trois Lafayette ainsi équipées, remplissent à peine les critères de frégate d’escorte de 1ᵉʳ rang, n’ayant ni sonar tracté à profondeur variable, pour la lutte ASM océanique, ni les missiles Aster 30 de défense aérienne.
Le remplacement des 5 frégates légères furtives classe Lafayette n’est pas planifiée dans la LPM 2024-2030
En dépit de cet artifice grossier, plus administratif et politique, qu’opérationnel, la Marine nationale devrait bel et bien retrouver le format de frégates de 1ᵉʳ rang, imposé par la Revue Stratégique 2022, aujourd’hui faisant foi, avec la livraison de la dernière FDI à la Marine nationale, la frégate Amiral Cabanier, prévue pour 2032.
Cette flotte d’escorteurs sera alors composée par deux frégates de défense aérienne classe Horizon, deux frégates antiaériennes classe Alsace, six frégates multirôles classe Aquitaine, et cinq FDI classe Amiral Ronarc’h.
En outre, les 9 A-69, requalifiés depuis Patrouilleurs océaniques après le retrait de leurs missiles Exocet, seront remplacés, d’ici à la même échéance, par 7 nouveaux patrouilleurs Hauturiers, des navires qui reprendront certaines des capacités et missions des avisos, notamment en matière de lutte anti-sous-marine sur le plateau continental.
En revanche, rien n’indique, à ce jour, ni dans la Revue Stratégique 2022, ni dans la LPM 2024-2030, que la Marine nationale prévoirait de remplacer les 5 FLF classe Lafayette, une fois retirées du service.
À ce titre, il convient de mettre fin à cette croyance, largement répandue, et relayée jusque sur Wikipedia, selon laquelle les FDI de la classe Amiral Ronarc’h remplaceront les 5 FLF, puisqu’au contraire, les FDI ne feront que remplacer les 5 FREMM annulées en 2015, elles-mêmes devant remplacer les 5 dernières frégates T-70 en service, dans le respect du format de 15 frégates de 1er rang.
Pourquoi le remplacement des 5 FLF de la Marine nationale est indispensable à la cohérence de la flotte d’escorteurs français ?
Fondamentalement, le format d’escorte de la Marine nationale sera, alors, identique à celui qui était le sien à la fin des années 80, avec une frégate antiaérienne et deux frégates ASM pour escorter le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, puis son successeur, le PANG ; une frégate antiaérienne et une frégate ASM pour l’escorte du Groupe Amphibie ; ainsi qu’une frégate antiaérienne et quatre frégates ASM, par façade maritime.
Toutefois, les évolutions technologiques en cours, comme dans le domaine des missiles de croisière et balistiques antinavires, des drones d’attaque ainsi que des drones de surface et sous-marins, tendent à rapidement saturer les capacités de défense des frégates françaises.
En effet, en dehors des deux frégates horizons, avec 48 missiles Aster 15 et 30, et les deux frégates Alsace, avec 32 missiles Aster, les onze escorteurs ASM français, ne mettent, ou ne mettront en œuvre, que 16 de ces missiles anti-aériens.
Ainsi, la capacité d’escorte du Groupe amphibie, ne reposera que sur 48 à 64 missiles antiaériens, et pourra largement être saturée par les moyens modernes, ce d’autant que, contrairement au porte-avions, les LHD de classe Mistral, n’emportent pas de systèmes PAAMS, mais uniquement des systèmes Simbad armés de deux missiles Mistral d’autodéfense.
Surtout, la multiplication des points chauds, dans le périmètre d’intervention de la Marine nationale, qu’il s’agisse de la Méditerranée orientale comme occidentale, de l’Atlantique Nord, de la mer du Nord, de la mer Rouge, du golfe Persique et du bassin indo-Pacifique, nécessite dorénavant que le nombre de frégates déployables soit revu à la hausse.
À ce sujet, le remplacement des 5 FLF, permettrait d’ajouter une frégate ASM au dispositif d’escorte du groupe amphibie, et deux frégates par façade maritime. Ainsi, avec sept frégates par façade, la Marine nationale disposerait, outre l’escorte des Capital-Ships, de la possibilité de maintenir à la mer deux frégates par façade, avec une frégate supplémentaire en alerte, deux frégates à l’entraînement, et une frégate en maintenance.
Dès lors, même un déploiement exceptionnel en mer Rouge ou dans le Pacifique d’une frégate, ne viendrait pas compromettre la capacité de réponse rapide de la Marine nationale, en cas de crise.
Quel navire pour succéder aux FLF de la Marine Nationale
Pour remplacer les cinq FLF, plusieurs navires peuvent être envisagés, en fonction des besoins, des moyens disponibles, ainsi que de l’évolution du marché internationale et de la demande mondiale, sachant que, comme toujours, l’exportation représente le balancier vital de la soutenabilité des investissements industriels de défense français.
La corvette Gowind 2500 de lutte anti-sous-marine, la plus économique
Ainsi, la corvette Gowind 2500 de Naval group, dispose de sérieuses capacités de lutte anti-sous-marine, avec un sonar de coque, un sonar tracté à profondeur variable, deux tubes lance-torpilles triples, et un hélicoptère de lutte ASM. C’est aussi le cas en matière de lutte anti-navire, avec 8 missiles MM40 Exocet, et de son potentiel d’autodéfense antiaérien, avec 16 missiles VL MICA en cellules de lancement vertical.
Déjà en service dans 3 marines internationales (Égypte, Malaisie et EAU), la Gowind 2500 est, par ailleurs, peu onéreuse, moins de 400 m€ par navire. En outre, une commande française de cinq navires, pourrait entrainer une commande similaire de la part de la Marine Hellénique, avec qui Naval Group est en négociation, sur un modèle de coopération proche de celui mis en œuvre pour les 3 FDI grecques.
La frégate multirôle FREMM, classe Aquitaine ou classe Alsace, la plus polyvalente
À l’autre bout de l’échiquier, se trouve la frégate FREMM, qu’il s’agisse de la classe Aquitaine, optimisée pour la lutte anti-navire et la frappe vers la terre, avec ses 16 missiles de croisière MdCN, ou de la classe Alsace, de défense antiaérienne avec 32 missiles Aster contre 16 pour l’Aquitaine, mais disposant des mêmes performances de lutte ASM que celle-ci.
La FREMM est incontestablement un navire très efficace, comme l’ont montré les frégates déployées en mer Rouge ces derniers mois, dans le domaine antiaérien, antimissile, antidrone et même, antibalistique, et dans le domaine de lutte anti-sous-marine, le navire remportant régulièrement, depuis quatre ans maintenant, les compétitions de l’OTAN à ce sujet.
En revanche, la frégate est onéreuse, deux fois plus que la Gowind 2500. En outre, commander cinq FREMM, aujourd’hui, après les avoir annulées en 2015, entrainant une révision du processus industriel et des prix de l’époque, ne manquerait pas d’être vivement critiqué çà et là. Enfin, le potentiel export des FREMM françaises est aujourd’hui limité, car concurrencé directement par les FREMM italiennes et, surtout, par l’arrivée prochaine de sa version américaine, la classe Constellation.
La FDI classe Amiral Ronarc’h, la plus performante
La logique capacitaire et industrielle font de la nouvelle FDI classe Amiral Ronarc’h, le modèle existant le mieux à même de remplacer efficacement les FLF aujourd’hui. En effet, le navire est à la fois très performant, moderne et très bien armé, avec deux VLS Sylver 50 emportant 16 missiles Aster, pouvant être portés à 4 Sylver et 32 Aster comme sur la version grecque.
La FDI emporte, par ailleurs, 8 missiles antinavires MM-40 Block 3C Exocet d’une portée de 160 km, un canon de 76 mm, deux canons de 20 mm, deux tubes lance-torpilles triples, ainsi qu’un hélicoptère de lutte ASM NH90.
Outre son armement conséquent, la frégate emporte le nouveau radar AESA à faces planes SeaFire 500 Thales, un sonar de coque et un sonar tracté, en faisant un escorteur antiaérien et anti-sous-marin au moins aussi performant que les frégates FREMM de la classe Alsace.
Le navire est, par ailleurs, doté de capacités de guerre électronique et cyber, tout en s’avérant plus économique que la FREMM, avec un prix unitaire de l’ordre de 650 m€. La production étant en cours, une augmentation du volume des commandes, suffisamment en amont, pourrait même permettre d’en réduire les couts de construction. Enfin, la FDI est commercialement active, Naval Group l’ayant récemment proposé à l’Indonésie et à la Norvège, alors qu’une nouvelle commande permettrait d’en renforcer l’attractivité.
La conception d’une Frégate Légère Furtive de Nouvelle Génération
La dernière possibilité, pour remplacer les FLF, reposerait sur la conception d’une nouvelle classe de frégate légère furtive, un navire de 3.500 tonnes reprenant les missions initiales de son ainée, avant d’être transformée en frégate de second rang.
Le navire pourrait ainsi disposer de 16 missiles Aster 15 EC ou Mica VL NG, pour une enveloppe de défense plus étendue, des 8 MM40 et des 2 tubes lance-torpilles, ainsi que d’une version allégée du SeaFire 500, et les sonars Kingklip et CAPTAS 4 de la FDI. Elle ne disposerait, en revanche, que d’un hangar pour un hélicoptère moyen H160M Guépard, et des capacités plus réduites en matière de guerre cyber.
La conception de cette frégate induirait des couts supplémentaires, venant très certainement neutraliser les économies attendues sur le prix unitaire, que l’on peut estimer de 500 à 550 m€, par rapport à la FDI. En revanche, elle permettrait à Naval Group d’enrichir son catalogue, et de proposer, comme pour les sous-marins conventionnels, d’une solution dédiée par tranche de 1000 tonnes.
Cette frégate correspondrait, à ce titre, assez finement aux besoins de renouvellement en matière de frégates ou corvettes lourdes, exprimés par plusieurs marines ces derniers mois, notamment celles n’ayant pas les ressources pour acquérir des navires plus onéreux, comme les FDI, les Arrowhead 140, les PPA ou les Meko 200A.
Enfin, avec un tel armement, pour un tel prix, sur un navire de ce tonnage, Naval Group pourrait même venir s’inviter sur les platebandes russes comme chinoises, également visées par la Corée du Sud et la Turquie, avec l’antériorité, la fiabilité et la garantie de qualité que le groupe français peut aujourd’hui proposer.
Conclusion
On le voit, le besoin, dans les années à venir, pour la Marine nationale de remplacer ses cinq frégates légères furtives, est difficile à ignorer, considérant le contexte sécuritaire mondial et sa dynamique aujourd’hui.
En effet, si le format à 15 frégates de 1ᵉʳ rang, hérité des années 80, sera bien préservé par la LPM 2024-2030, la nature des engagements, et leur répartition, obligent à présent la Marine nationale, à devoir disposer de davantage de frégates, tant pour escorter ses Capital Ships, que pour protéger ses côtes, et intervenir efficacement et rapidement, là où cela sera nécessaire, en coalition ou pas.
Plusieurs options se présentent, pour cela, allant de la corvette Gowind 2500 à la frégate FREMM. Toutefois, c’est sans conteste la frégate FDI qui présenterait, ici, le meilleur rapport performances investissements. Toutefois, la conception d’une FLF NG n’est pas, elle non plus, dépourvue d’attraits, en particulier concernant le volet des exportations, en enrichissant le catalogue de Naval Group, d’un navire en forte demande, aujourd’hui.
Reste que les 2,5 à 4 Md€ d’investissements nécessaires à ce remplacement, n’apparaissent, pas même partiellement, dans la LPM en cours. Il est donc probable que la Marine nationale s’apprête à faire face à la période la plus complexe et tendue de son histoire depuis les années 80, avec une flotte de 15 escorteurs océaniques seulement, à peine suffisante pour protéger ses Capital Ships à minima, et pour conserver un navire à la mer, et un en alerte, par façade maritime.
Article du 9 aout en version intégrale jusqu’au 29 septembre 2024
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