اخبار مترجمة :Comment financer des programmes industriels de défense en France, hors de la LPM 2024-2030 ?
Un nombre croissant de voix s’élève, aujourd’hui en France, pour pointer les insuffisances concernant les programmes industriels de défense, ayant fait l’objet d’arbitrages difficiles pour respecter l’enveloppe de 413 Md€ de la toute récente Loi de Programmation Militaire 2024-2030, obtenue de hautes luttes par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, auprès du ministère des Finances.
Ainsi, si la LPM 2024-2030 s’inscrit dans un budget en forte croissance, il apparait que les tensions internationales, le tempo technologique, et même les risques de conflit, ont augmenté beaucoup plus rapidement, ces dernières années, sur fond de contraintes budgétaires incontournables, alors que la dette souveraine française a dépassé les 110 % de PIB, et que les déficits publics ne parviennent pas à revenir sous la barre des 3 %.
De fait, la LPM, et son enveloppe budgétaire, apparaissent aujourd’hui comme la limite haute, de ce que les armées françaises, et l’Industrie de défense nationale, peuvent espérer obtenir dans les années à venir.
Mais qu’en serait-il s’il existait un modèle alternatif, complémentaire de la LPM, capable de porter le financement de ces programmes industriels défense qui font défaut aujourd’hui, et de soutenir l’industrie de défense en enrichissant son catalogue, sans grignoter la LPM, et sans déstabiliser les comptes publics ? Impossible ? C’est pourtant ce que proposent les Capsules de Développement de Programme de Défense, ou CDPD !
La transformation rapide et radicale du contexte géopolitique et technologique militaire mondial, qui a surpris les armées occidentales
Si les équilibres stratégiques, géopolitiques et technologiques, hérités de la fin de la guerre froide, ont perduré pendant presque trente ans, ils sont, ces dernières années, profondément remis en question, par l’émergence de nouvelles puissances militaires majeures comme la Chine, l’arrivée de nouvelles technologies défense structurantes comme les drones, et le retour à une logique de confrontation de bloc, comme au plus fort de la guerre froide.
Ce faisant, là où la Russie, la Chine ou la Corée du Nord, ont rapidement développé leurs armées et leurs technologies de défense, les occidentaux, longtemps enlisées dans la doctrine des bénéfices de la Paix, et les conflits périphériques asymétriques, en Irak et en Afghanistan, ont laissé s’éroder leurs armées et leur avance technologique, ouvrant la porte à des contestations de l’hégémonie occidentale, pouvant déboucher sur des conflits majeurs.
De fait, la plupart des armées occidentales, s’est laissé surprendre, à l’exception notable de la Corée du Sud et Israël, en situation de conflit ininterrompue depuis les années 50, et tentent, depuis quelques années, de rattraper le retard accumulé, et de reconstruire un outil de défense suffisant pour contenir l’ensemble des menaces.
Pour beaucoup de pays, notamment en Europe, cette reconstruction s’avère difficile, les contraintes budgétaires, politiques et sociales, ainsi que le poids des dettes souveraines et des déficits publics accumulés ces dernières décennies, ne permettant pas d’en passer par l’émission de dettes pour financer cette nécessaire transformation, sur un calendrier particulièrement court.
Une LPM 2024-2030 ambitieuse, mais insuffisante pour répondre aux évolutions des menaces et des technologies défense
En France, cette reconstruction a débuté, timidement, à partir de 2017, avec une trajectoire établie par le président Macron, censées permettre de redonner aux armées françaises, les moyens nécessaires pour entamer sa reconstruction, au travers de la LPM 2019-2025.
Bien que celle-ci fut presque intégralement exécutée, une première pour le pays, l’efficacité des hausses budgétaires consenties a été lourdement érodée par les conséquences de la crise Covid, et spécialement la poussée inflationniste qui suivit.
En 2023, le nouveau gouvernement et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, présentèrent une nouvelle Loi de Programmation Militaire, encore plus ambitieuse. En effet, cette LPM 2024-2030, est dotée une enveloppe globale de 413 Md€, et prévoit d’amener le budget des armées à 67 Md€ en 2030, soit le double de ce qu’il était en 2016.
Elle permet, en outre, de financer le lancement de nombreux programmes majeurs, comme le Rafale F5 et son drone de combat, le porte-avions de nouvelle génération, les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, les hélicoptères H160M et les patrouilleurs océaniques.
Par ailleurs, les programmes majeurs en cours ont été sécurisés, comme les programmes Scorpion et Caesar MkII de l’Armée de Terre, les programmes FDI et SNA Suffren de la Marine Nationale, et les programmes Rafale, A400M et A330 MRTT de l’Armée de l’air.
Pour autant, les besoins sont tels, et la pression technologique et opérationnelle si intense, que les limites de cette LPM 2024-2040, sont rapidement apparues, qu’il s’agisse de l’impossibilité pour l’Armée de terre de renouveler et renforcer sa composante blindée chenillée lourde, pour la Marine nationale, de se doter de l’indispensable second porte-avions, et pour l’Armée de l’Air, d’étendre sa flotte de chasse.
En particulier, cette LPM demeure cadrée par le format des armées établit par le Livre Blanc sur la Défense de 2013, dans un contexte international sans aucun rapport, avec ce qu’il est aujourd’hui.
Un modèle alternatif pour financer des programmes majeurs hors LPM
En dehors d’un changement politique radical en faveur des armées, qu’aucun des grands partis politiques français envisageait dans son programme électoral, il semble, aujourd’hui, impossible, pour la France, d’aller au-delà des objectifs fixés par cette LPM 2024-2030, et de son enveloppe budgétaire globale de 413 Md€.
De fait, la résignation parait s’être imposée dans l’ensemble de la technosphère défense française à présent, sachant que cette LPM engendrera un inévitable déclassement militaire et diplomatique du pays, ainsi que de son industrie de défense, dans les années à venir, que ce soit face à des adversaires potentiels, comme la Chine et la Russie, mais également face à certains de ses alliés, comme l’Allemagne, la Corée du Sud, la Turquie ou la Pologne.
Il existe pourtant un modèle alternatif, la Capsule de Développement de Programme Défense, ou CDPD, complémentaire à la LPM, et susceptible de libérer des ressources et des espaces pour combler tout ou partie des impasses faites, comme pour se saisir de certaines opportunités n’ayant pas pu être planifiées lors de sa conception.
La Capsule de Développement de Programme de Défense, ou CDPD, pour encadrer et protéger le développement de programmes hors LPM
Comme la LPM constitue un socle minimal inamovible pour assurer une transformation minimale des armées et de l’industrie de défense, la Capsule de Développement des Programmes de Défense a pour fonction de créer un environnement autonome et sécurisé, pour developper certains programmes industriels de défense, sans venir ponctionner les ressources de la LPM.
De manière synthétique, la CDPD constitue donc, en quelque sorte, une mini-LPM autonome, au périmètre limité à un unique programme industriel, qui disposerait de son propre environnement décisionnaire, et de son propre modèle de financement.
Équilibrer les dépenses et les recettes pour le budget de l’État, par programme industriel de défense
Ne pouvant ponctionner les crédits alloués au ministère des Armées, par la Loi de Programmation Militaire, le CDPD doit disposer de son propre modèle de financement. Celui-ci peut revêtir différentes formes, par exemple, autour d’une société de financement dédiée à son développement, s’appuyant sur des capitaux privés ou mixtes, à l’instar des sociétés de projet étudiées en 2014 par la DGA.
Pour autant, quel que soit le modèle employé, celui-ci devra, lors de la livraison des équipements aux Armées, passer par un financement public. Pour respecter le principe de neutralité budgétaire, il est donc nécessaire d’obtenir un solde budgétaire positif, c’est-à-dire des recettes et économies budgétaires engendrées par le programme, supérieures aux dépenses qu’il engendre pour l’État.
Ce sujet a été développé à de nombreuses reprises sur ce site. Rappelons que, d’un point de vue macroéconomique, le solde budgétaire des programmes industriels de défense français s’établit autour de 65 % des dépenses, en tenant compte des taxes directes, et des taxes et charges sociales s’appliquant sur les salaires des emplois en France.
À cela, s’ajoute un coefficient multiplicateur keynésien sur ces deux ressources, sachant que l’industrie de défense est très faiblement exposée à l’importation, dans sa Supply Chain, permettant de concentrer l’essentiel des cycles primaires, au sein même de l’économie nationale, et donc exposés à la captation fiscale et sociale française.
Changer de paradigmes autour des coopérations internationales industrielles de défense
On comprend, de ce chiffre, que pour atteindre la neutralité budgétaire, autour d’une Capsule de Développement de Programme de Défense, il est donc indispensable d’intégrer, lors de la conception même du programme, et de son modèle budgétaire, des partenaires étrangers, afin de générer les 35 % de ressources supplémentaires pour l’état, du fait de l’acquisition de ces équipements pour des armées étrangères.
Or, cette approche n’est que rarement employée en France, alors qu’elle l’est plus fréquemment dans d’autres pays, comme en Italie, au Royaume-Uni, et surtout en Allemagne. Ainsi, pour s’arroger le contrat norvégien pour 4 sous-marins Type 212 NFS, Berlin n’a pas hésité à s’y investir directement, en commandant deux sous-marins du même modèle, pour la Bundesmarine, et à en assumer l’essentiel des coûts de R&D.
Au final, les recettes budgétaires et sociales engendrées par la construction des six sous-marins, auront largement compensé l’investissement de R&D et les couts d’acquisition des deux sous-marins allemands, sans qu’il soit nécessaire de ponctionner les autres ressources du ministère de la Défense, ou de l’État fédéral allemand.
Les États-Unis, eux aussi, savent parfaitement employer ce modèle, y compris en allouant, à certains de ses alliés, une aide budgétaire directe, pour acquérir des équipements américains. C’est notamment ce que tente de faire, aujourd’hui, Lloyd Austin, le Secrétaire à la Défense, aux Philippines, en promettant une aide de 500 m$, pour sortir le Gripen et le KF-21 du tableau, et imposer le F-16V.
Quoi qu’il en soit, autour de ce modèle, la France dispose d’un atout considérable. En effet, les déficits sociaux systémiques, compensés chaque année par le budget de l’État, permettent d’intégrer les charges sociales dans l’équation budgétaire d’un programme, tels des économies valant recettes pour le budget de l’État, permettant d’atteindre un solde budgétaire de 65 %, et non de 35 %, comme en Allemagne, et 25 % aux États-Unis.
Ce faisant, il suffit d’atteindre, au sein d’un programme, un engagement de partenariat, autour de l’exportation des équipements, équivalent ou supérieur à la moitié des investissements français, pour obtenir un solde budgétaire positif ou nul, permettant de gommer l’influence budgétaire du programme, sur le budget de l’État.
On remarquera que les paradigmes employés aujourd’hui par la France, notamment autour des programmes SCAF ou MGCS, n’apportent, dans ce domaine, aucun bénéfice en matière de poids relatif des investissements consentis, sur le budget de l’État. Au contraire, en ventilant les recettes liées aux exportations auprès des partenaires, ce modèle tend à considérablement réduire les chances d’atteindre un solde budgétaire positif, comme c’est aujourd’hui le cas, par exemple, pour le programme Rafale.
Trois catégories de programmes éligibles au CDPD
Ainsi structuré, il serait possible, pour la France, de lancer l’étude et les négociations, pour plusieurs CDPD susceptibles d’apporter des solutions d’équipements pour trois catégories de programmes, aujourd’hui, sans solution.
La première catégorie concerne les programmes parfaitement identifiés, par les armées, mais retardés ou mis de côtés, lors des arbitrages budgétaires autour de la LPM. Il peut s’agir de nouveaux programmes, ou de programmes complémentaires à d’autres intégrés à la LPM, pour en étendre le volume.
La seconde catégorie concerne les opportunités d’exportation identifiées par les industriels, et qui pourraient se concrétiser si les Armées françaises venaient à y participer. C’est, ici, typiquement un cadre semblable à celui des sous-marins norvégiens, ayant permis à la Bundes Marine de recevoir deux nouveaux sous-marins, sans impacts sur le budget fédéral.
La troisième catégorie, enfin, concerne le développement et la production d’équipements répondant à des besoins émergents, non identifiés lors de la conception de la LPM, afin de permettre aux armées et aux industriels, de rester au contact technologique et opérationnel avec le tempo imposé par d’autres armées, ou d’autres industriels.
Toutefois, au-delà des catégories d’éligibilité, le développement d’une CDPD, devra répondre à certaines contraintes, en particulier pour les armées, celles-ci devant être en mesure d’intégrer les nouveaux équipements de manière efficace dans leur inventaire, et donc de disposer des ressources humaines et capacités de maintenance nécessaires pour cela.
Notons que les couts de maintenance et de mise en œuvre, au moins sur la durée de la LPM en cours, pourraient être couverts selon un modèle comparable à celui des acquisitions des équipements, par un solde budgétaire positif lié soit aux réserves budgétaires positives liées à l’acquisition des équipements sur la scène export, soit par les recettes engendrées par leur maintenance vis-à-vis de l’industrie française, pour les matériels en service à l’étranger.
Redonner aux armées et aux industriels des canaux de coopération
La CDPD permet d’apporter un modèle budgétaire soutenable pour financer des programmes d’équipements majeurs de défense, hors de la trajectoire tracée par la LPM en cours. Elle permet, également, de restructurer le lien entre les industriels et les armées, en matière de conduite des programmes.
En effet, si industriels et militaires travaillent fréquemment et efficacement, en France, concernant les programmes à destination des armées nationales, la coopération, en soutien des exportations, est beaucoup plus difficile.
Ainsi, il est rare, pour ne pas dire exceptionnel, que les armées françaises décident de s’équiper d’un équipement non planifié, pour soutenir sa carrière à l’exportation. Dans ce domaine, si l’Armée de terre consentit à acquérir 5 Canons Caesar au milieu des années 90, pour lancer les contrats d’exportation, les blindés Scarabee d’Arquus et Titus de Nexter, les corvettes Gowind 2500 et les sous-marins Scorpene de Naval Group, ou encore le Super-Mirage 4000 de Dassault, ont été boudés par les Armées, alors que tous avaient un potentiel d’exportation important, engendrant des trajectoires commerciales très disparates.
La CDPD permettrait, au contraire, de lier les deux, dans une trajectoire commune, permettant notamment aux Armées de s’équiper de certains équipements mis de côtés jusqu’à présent, sans devoir renoncer aux autres équipements planifiés, et aux industriels de convaincre les Armées de s’équiper de matériels à l’avenir export attesté (puisque déjà commandés par au moins un partenaire au sein de la CDPD), sans que cela n’engendre de renoncements, non plus.
À titre d’exemple, la CDPD aurait permis à la Marine nationale d’aller au bout du programme FREMM, pour 13 unités, en embarquant le développement de la FTI, devenue FDI depuis, pour cinq exemplaires destinés à la flotte française, une fois que la Grèce en avait commandé ses trois unités. Au final, ce modèle aurait permis à la Marine de disposer de 20 frégates de premier rang, plutôt que 15, tout en soutenant l’activité export de Naval Group, et l’activité de ses bureaux d’études.
Conclusion
Bien évidemment, la Capsule de Développement de Programme de Défense, présentée ici, ne représente qu’une ébauche du modèle pouvant être conçu autour de ce paradigme. En particulier, l’organisation de la source de financement, et la qualité exigée de l’analyse prospective en termes de recettes budgétaires et sociales générées, nécessiteront des études détaillées, pour border l’ensemble des aspects, spécialement la soutenabilité budgétaire.
Reste que ce schéma conceptuel, pourrait permettre de créer un second modèle de programmation militaire industrielle, variable cette fois, et complémentaire de la programmation ferme de la LPM. Celui-ci permettrait aux industriels et militaires, d’aller chercher les ressources, et les partenaires, et ainsi répondre, dynamiquement, aux différentes exigences nécessaires à l’autorisation de créer la CDPD.
Qui plus est, ce modèle dynamique, permettrait de libérer des énergies, mais également d’accroitre la prise de risque de ces deux acteurs, dans ces domaines compétitifs, commercialement parlant, et déterminants sur le champ de bataille, et ainsi, prévenir la trajectoire de déclassement qui semble se dessiner sous les pieds du pays, aujourd’hui.
Enfin, par sa nature, ce modèle ne vient en aucun cas parasiter l’exécution de la LPM, qui demeure le socle sur lequel l’effort de défense se construit, et ne représente, à ce titre, aucun risque pour celle-ci, que ce soit lors de la phase d’étude nécessaire à sa mise en œuvre, et lors de son exécution.
Article du 2 aout en version intégrale jusqu’au 15 septembre 2024
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