اخبار مترجمة :L’industrie de défense américaine est-elle malade d’une indigestion de dollars ?
À elles seules, les 10 plus importantes entreprises de défense américaines, ont ainsi enregistré, en 2023, un chiffre d’affaires supérieur à 250 Md$, soit le PIB d’un pays comme le Portugal ou la Finlande, dont une partie non négligeable provient des alliés des États-Unis, en particulier en Europe et dans le Pacifique.
En dépit de ce marché considérable, et d’une position dominante incontestable, les programmes d’armement américains ne cessent de faire les gros titres de la presse outre-atlantique, en raison de délais non respectés, de surcouts hors de contrôle, et même d’échecs retentissants, venant jusqu’à handicaper, désormais, la modernisation des armées américaines, dans un contexte international des plus tendus.
Se pose donc la question des causes à l’origine de ces obstacles à répétition, et de savoir si ce n’est pas la profusion de crédits, et le manque de contrôle des institutions américaines sur cette industrie devenue trop puissante pour être contestée, qui induisent cette dangereuse pathologie, qui pourrait bien s’étendre dans l’ensemble du camp occidental.
2000 milliards de dollars pour les 100 plus importants programmes du Pentagone
Il faut dire que les chiffres évoqués, ont de quoi donner le tournis. Ainsi, dans son rapport annuel sur l’industrie de défense américaine présenté en début de semaine, le GAO, pour Government Accountability Office, l’équivalent américain de la Cour des Comptes française, dresse un état des lieux particulièrement préoccupant.
En effet, l’immense majorité des 100 principaux programmes industriels et technologiques, engagés aujourd’hui par le Pentagone, souffrent de délais non respectés, de surcouts chroniques et, parfois, de menaces d’échec, y compris pour les plus avancés.
Or, ces programmes, qui concernent aussi bien la dissuasion avec le bombardier B-21, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de la classe Columbia et les missiles ICBM Sentinelle, que les domaines conventionnels avec les porte-avions de la classe Ford, le chasseur NGAD ou le programme FLRAA d’hélicoptère de manœuvre à hautes performances, engagent plus de 2000 milliards de dollars de crédits américains, sur les années à venir.
Le fait est, le Pentagone dépense, chaque année, en moyenne, plus de 200 Md$ auprès de l’industrie de défense américaine. Pourtant, l’immense majorité des systèmes d’armes actuellement en service au sein de ses armées, demeurent hérités d’équipements conçus durant la guerre froide, comme le char Abrams, le VCI Bradley et le M109 Paladin, pour l’US Army, les B-2, F-15, F-16 et C-17 de l’US Air Force, ou les porte-avions Nimitz, les destroyers Arleigh Burke, les LHD Wasp et les sous-marins nucléaires Los Angeles et Ohio, pour l’US Navy.
Et pour cause, le Pentagone a consommé, ces vingt dernières années, plusieurs centaines de milliards de dollars, en programmes stériles, n’ayant produit aucune, ou très peu, des capacités de renouvellement des équipements en service recherchées, comme l’hélicoptère d’attaque RH-66 et le VCI GCV de l’US Army, ou les programmes CG(x), Zumwalt et LCS de l’US Navy.
Même les programmes qui parviennent à dépasser ce stade, et à entrer en service, font parfois l’objet de délais et surcouts hors de contrôle, comme le F-35 Lightning II, de Lockheed Martin, qui affiche, aujourd’hui, un surcout de conception de 150 % à plus de 450 Md$, et 10 ans de retard concernant la première version pleinement opérationnelle, qui n’arrivera probablement pas avant 2029.
Délais, échecs et surcouts industriels à répétition handicapent la transformation des armées américaines face à la Chine
Tant que les États-Unis étaient en position hégémonique, que ce soit militairement comme sur le marché de l’armement et des technologies de défense, ces fuites d’investissements massives, sans résultat, ne semblaient pas prêter à conséquence. Après tout, jusqu’en 2018, personne n’imaginait que la toute-puissante armée américaine, et sa non moins puissante industrie de défense, pouvaient voir leur supériorité technologique et opérationnelle contestée.
Cette situation, par ailleurs amplifiée par le mimétisme européen, fut, pourtant, parfaitement identifiée, et exploitée, par certains pays, pour developper leur propre industrie de défense, et rattraper leur retard technologique.
C’est le cas de la Corée du Sud, qui est passée, en trente ans, d’un importateur intégral de ses équipements de défense, à un concurrent féroce, dans de nombreux domaines, des industries de défense américaines et européennes, y compris au sein de leurs propres forces armées.
La Turquie, elle aussi, a considérablement développé son industrie de défense, tant pour se libérer de certaines entraves posées par les États-Unis et les Etats européens, concernant l’utilisation des équipements exportés, que pour accroitre son influence en Afrique, en Asie et dans le Caucase, grâce à ses propres exportations d’équipements militaires.
La Russie parvint, quant à elle, à reconstituer une force armée parfaitement cohérente, s’appuyant sur une dissuasion largement modernisée, pour libérer certaines capacités de manœuvre en Europe et dans le Caucase, d’abord en Géorgie en 2008, puis en Crimée et dans le Donbass, en 2014, pour enfin lancer une offensive globale sur l’Ukraine, en 2022.
Mais c’est, incontestablement, la Chine qui aura le mieux exploité l’inertie et le manque d’efficacité de l’industrie de défense américaine, ces trente dernières années. Alors qu’elle parvenait difficilement à produire des évolutions du MIG-21 soviétique en 1990, un appareil qui avait 30 ans de retard sur les appareils américains et européens alors, l’industrie de défense chinoise parvient, aujourd’hui, à livrer des équipements faisant souvent jeu-égal, à la marge, avec les plus avancés des systèmes occidentaux, américains compris.
Pire encore, là où les programmes américains continuent, aujourd’hui, de souffrir des mêmes maux qui les ont à ce point handicapés, ces trente dernières années, l’industrie de défense chinoise est engagée dans une dynamique efficace de production, d’évolution et de développement, à laquelle les industriels américains semblent incapables de répondre, que ce soit en termes de quantité, mais aussi de tempo d’innovation.
Dans ce contexte, la trajectoire relative suivie par les États-Unis et la Chine, et leurs industries de défense respectives, ne parvient plus, aujourd’hui, à être équilibrée, qu’à grands renforts d’investissements supplémentaires venant du budget fédéral US, sans toutefois rétablir une dynamique comparable à celle qui permit aux États-Unis de relever le défi soviétique au début des années 70.
Pas d’option acceptable concernant le programme NGAD pour l’US Air Force ?
L’exemple du programme de chasseur de 6ᵉ génération NGAD, de l’US Air Force, est, à ce titre, symptomatique des déséquilibres qui affectent, aujourd’hui, les relations entre le Pentagone et l’industrie de défense US.
Comme évoqué dans un récent article, ce programme, jusqu’ici considéré comme solide et mené avec emphase, pour une entrée en service à la fin de la décennie, ou au début de la décennie suivante, risque, dorénavant, un report important, voire une annulation, pure et simple, de la part de l’US Air Force.
Les explications avancées, à ce sujet, par le chef d’état-major de l’US Air Force, le général Alvill, comme par le Secrétaire à l’Air Force, Franck Kendall, faisaient état d’arbitrages budgétaires difficiles en faveur du programme de drones de combat CCA, jugés plus urgent pour contenir la menace chinoise.
Toutefois, certains échos, en marge du Pentagone, font aujourd’hui état d’une réponse très insatisfaisante de la part des deux industriels retenus pour ce programme, Boeing et Lockheed Martin.
Le premier, qui traverse une période particulièrement difficile avec un management lourdement défaillant ces dernières années, semble ne plus être en mesure d’effectivement répondre aux attentes de l’US Air Force. Par ailleurs, les nombreuses difficultés rencontrées concernant les programmes KC-46A et T-7A, tendent à amenuiser la confiance du Pentagone dans les promesses faites par l’avionneur de Seattle.
Or, il faudra certainement plusieurs années, à Boeing, pour réorganiser son activité, et surtout son management, et ainsi, espérons-le, recoller à une activité répondant aux impératifs opérationnels et de planification des armées américaines. On peut d’ailleurs penser que le report du programme F/A-XX annoncé pour 2025 par l’US Navy, relève de la même défiance vis-à-vis de l’avionneur à l’origine du F/A-18 et du F-15.
Si l’hypothèse d’avoir un unique concurrent pour le programme NGAD, est déjà préoccupante en soi, elle l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de Lockheed Martin. Le géant américain n’a tout simplement aucun intérêt à voir le NGAD émerger, sur la base des nouvelles conditions contractuelles édictées par l’US Air Force.
En effet, si le NGAD venait à échouer, il est certain que l’US Air Force devrait se tourner vers davantage de F-35A. Or, LM dispose d’un contrat particulièrement favorable, autour de cet appareil, qu’il s’agisse de sa production, et surtout de sa maintenance et de son évolution, interdisant toute alternative industrielle, en matière de modernisation et de maintien en condition opérationnelle.
En d’autres termes, Pour Lockheed, il est bien plus profitable de parier sur le F-35, que de s’investir sur un autre appareil, pouvant, potentiellement, nuire à ses bénéfices.
L’indispensable restructuration de l’industrie de défense américaine est-elle possible ?
On le voit, faute d’une profonde transformation de l’industrie de défense américaine, et d’une réorganisation radicale des procédures de passation de contrats et de conduite des programmes industriels et technologiques du Pentagone, il est très probable, qu’au fil des années, les États-Unis perdent leur ascendant technologique, mais également militaire, face à la Chine.
C’est en partie de ce qui est préconisé par les équipes de Donald Trump, qui prévoient une réduction drastique du budget du Pentagone, précisément pour provoquer cette réorganisation et restructuration de l’industrie de défense US.
Toutefois, les chances qu’une telle démarche aboutisse, restent réduites. En effet, les grandes entreprises de défense américaines, Lockheed-Martin, RTX, Northrop-Grumman, Boeing et General Dynamics, disposent aujourd’hui d’une emprise politique, économique et sur le Pentagone, tels que même un président américain très déterminé, ne parviendrait que très difficilement à passer le barrage du Congrès dans ce domaine.
Qui plus est, une telle restructuration entrainerait, sans le moindre doute, une baisse importante des cours de bourse de ces entreprises, et avec elle, des pertes sensibles pour les fonds de pension américains, donc une impopularité massive au sein de l’opinion publique. Ce d’autant que la capitalisation boursière de ces 5 entreprises dépasse aujourd’hui les 500 Md$, et une baisse massive de leurs cours de bourse, pourrait entrainer un mouvement de panique temporaire sur les marchés.
La situation, telle que présentée, n’aspire donc pas à l’optimisme au-delà de quelques années, et s’avère même des plus préoccupantes, lorsque l’on se projette après 2035 ou 2040.
Il faudra, dans tous les cas, aux autorités américaines, trouver la martingale qui saura ramener les industriels de défense à beaucoup plus d’efficacité, à ce, sur des délais très courts, si Washington entend, effectivement, relever le défi posé par Pékin et son industrie de défense réglée comme un chronographe helvétique. Reste à voir comment ils s’y prendront, ou, même, s’ils tenteront de s’attaquer à ce sujet ô combien difficile.
Quant aux européens, ils seraient avisés de prendre, en référence, pour leurs propres programmes d’équipements et de recherche, non plus la ligne directrice américaine employée jusque-là, mais bien celle tracée par Pékin, voire par Moscou, pour définir leurs propres objectifs. Faute de quoi, ils risquent fort de rejoindre les États-Unis dans leur chute auto-induite.
Article du 20 juin en version intégrale jusqu’au 27 juillet 2024
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نشر الخبر اول مرة على موقع :meta-defense.fr بتاريخ:2024-07-20 11:03:22
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