اخبار مترجمة :Pourquoi la Marine chinoise aura-t-elle l’avantage autour de Taïwan dès 2027 ?
Cette hypothèse a considérablement pris de l’ampleur, lorsqu’en mars 2021, l’amiral Phil Davidson, alors commandant américain du théâtre indopacifique, déclara que Pékin et ses forces armées, seront en capacité d’attaquer Taïwan, à partir de 2027.
Cette date, qui n’avait pas été détaillée par l’amiral Davidson, est devenue, depuis, l’échéance au cœur de l’effort de modernisation des forces armées américaines, en particulier pour l’US Navy, l’US Air Force et l’US Marines Corps, les plus concernées par l’hypothèse d’un conflit avec l’Armée populaire de libération.
Et pour cause ! Cette date n’a rien d’arbitraire. C’est, en effet, à partir de 2027, que la Marine chinoise aura l’avantage numérique sur l’US Navy, dans un scénario de blocus ou d’assaut amphibie sur Taïwan.
2027, une échéance clé pour le Pentagone concernant Taïwan
Depuis les déclarations de l’amiral Davidson, l’échéance de 2027 s’est, ainsi, imposée comme la date pivot pour beaucoup de programmes de défense américains, qu’il s’agisse de la modernisation et l’extension des capacités de production des chantiers navals américains, comme de l’entrée en service des nombreux programmes de drones, de munitions rôdeuses et de missiles hypersoniques pour l’ensemble des forces américaines.
À ce titre, il convient de préciser que dans les propos de l’amiral Davidson, confirmés, depuis, par plusieurs analyses émanant de différents Think Tank outre-Atlantique, 2027 ne représente pas la date anticipée la plus probable, pour une action militaire chinoise contre Taïwan, mais le début d’une période durant laquelle la Chine disposerait des capacités militaires relatives suffisantes pour estimer pouvoir mener une telle action contre l’ile autonome.
C’est donc à compter de cette échéance que les trajectoires de modernisation des forces armées des pays, auront la plus grande influence sur l’équilibre des forces autour de Taïwan, d’abord, puis dans l’ensemble du bassin indo-pacifique, après cela.
On comprend, dans ce contexte, les raisons ayant amené, par exemple, l’US Navy a reporté certains grands programmes de modernisation de ses forces, comme le destroyer DDG(x), le sous-marin nucléaire d’attaque SSN(x), et l’avion de chasse embarqué F/A-XX, pour libérer des ressources budgétaires à courte échéance, afin de piloter, au mieux, l’évolution des subtiles évolutions du rapport de force avec l’APL, de 2026 à 2040.
Plus récemment, c’est l’US Air Force qui a annoncé la remise en question des paradigmes entourant le programme NGAD de chasseur de 6ᵉ génération, prévu jusqu’ici pour entrer en service à partir de 2030, en partie pour donner la priorité au programme de drones de combat CCA, à une échéance beaucoup plus proche, et considéré, a raison, comme la clé du rapport de force face à la Chine, y compris à court terme.
Évolution des flottes de l’US Navy et de la Marine chinoise jusqu’en 2040
Pour comprendre les raisons ayant amené l’amiral Davidson, et les think tank, après lui, à considérer l’année 2027, comme le début d’une phase à haut risque, autour de la question taïwanaise et de la possibilité d’un affrontement sino-américain dans le Pacifique, il convient d’étudier l’évolution du rapport de force militaire entre ces deux super-puissances autour et après cette date.
Étant donné la nature insulaire de Taïwan, ainsi que de l’ensemble des archipels bordant la façade pacifique asiatique, il semble, par ailleurs, évident que l’étude comparée des forces navales des deux pays, et plus particulièrement des flottes de haute mer, s’impose comme le pivot de ce rapport de force.
Éléments de comparaison et d’agrégation autour de Taïwan, et dans la zone indo-Pacifique
Pour comparer efficacement deux forces navales aussi imposantes et diversifiées, que le sont l’US Navy et les forces navales de l’APL, il est nécessaire, avant tout, de créer un crible d’analyse permettant de comparer la flotte chinoise et américaine, au travers de la comparaison de leurs unités navales respectives.
Dans cette analyse, nous diviserons l’étude en trois catégories : la flotte de surface combattante de haute mer, la force sous-marine d’attaque, la flotte de porte-avions et la flotte amphibie longue distance. En outre, nous étudierons deux scénarios distincts, à savoir le scénario taïwanais, d’une part, et l’éventuelle généralisation du conflit dans le bassin indo-pacifique, de l’autre.
Afin de comparer les capacités de mobilisation de la flotte, un taux d’indisponibilité pour maintenance programmée de 20 % sera appliqué aux deux marines, et un taux de déploiement potentiel maximal de 50 % de la flotte restante. Enfin, pour considérer les besoins de l’US Navy pour protéger, à minima, la côte Atlantique du pays, 20 % de la flotte américaine seront considérés dédiés à cette mission.
De fait, dans le Pacifique, sur l’inventaire théorique, l’US Navy pourra mobiliser 30 % de sa flotte en hypothèse haute, pour une intervention dans le Pacifique ou autour de Taïwan. La Marine chinoise, n’ayant pas une seconde façade océanique à protéger, pourra mobiliser 40 % de sa flotte pour cette mission.
La flotte de surface : avantage à la Marine chinoise dès 2027.
Concernant la flotte de surface, afin d’agréger les capacités très différentes des unités navales chinoises et américaines, qui ne s’additionnent ni ne se comparent entre elles, nous passerons par le concept de Groupe d’Action Naval de Surface.
Il s’agit, en fait, d’une unité élémentaire susceptible de produire une escorte contre l’ensemble des menaces menaçant un capital ship, comme un porte-avions ou des navires amphibies, ou de former une flottille autonome de combat, par exemple, pour des missions de déni d’accès ou d’appui.
Ainsi, un groupe d’action naval de surface chinois typique sera composé d’un destroyer lourd Type 055, de deux destroyers d’escorte comme le Type 52D/L, et de deux frégates de lutte anti-sous-marines Type 054A/B. En l’absence de destroyer lourd, celui-ci peut être remplacé, le cas échéant, par deux autres destroyers Type 052D, disposant d’une puissance de feu conjointe comparable à celle d’un unique Type 055.
Côté américain, le groupe d’action naval de surface typique se compose de trois destroyers Arleigh Burke ou croiseurs Ticonderoga, puis, une fois ces croiseurs retirés du service et les frégates de la classe Constellation opérationnelles, de deux destroyers Arleigh Burke, et de deux frégates classe Constellation.
Les unités navales côtières, ou de moindre intensité, comme les corvettes Type 056A chinoises, ou les LCS de l’US Navy, ne sont pas considérées comme pouvant influencer efficacement le rapport de force dans ce domaine.
Une fois rapportées aux flottes effectivement déployables, en tenant compte des flottes existantes aujourd’hui, des cadences de production de nouvelles unités, ainsi que des retraits planifiés des navires en fin de vie, la trajectoire comparée des deux flottes de surface combattantes, en termes de groupe d’action naval de surface, évolue selon le graphique ci-dessous :
On voit, sur ce graphique, que 2027 est la première année au cours de laquelle la flotte de surface combattante de la Marine chinoise, déployable autour de Taïwan et dans le Pacifique, excède, en nombre, celle de l’US Navy.
On remarque, également, qu’à partir de 2032, si les trajectoires industrielles restent figées, la flotte de surface hauturière chinoise surclassera de 50 % la flotte américaine, et de 100 %, en 2040.
La flotte sous-marine : une trajectoire comparée différente entre le théâtre Taïwanais et indo-Pacifique
La comparaison de la flotte sous-marine des deux marines, nécessite un niveau d’agrégation supplémentaire. En effet, la Marine chinoise met en œuvre une vaste flotte de sous-marins à propulsion conventionnelle, dont ne dispose pas l’US Navy, exclusivement équipée de sous-marins nucléaires d’attaque, pour le combat tactique.
Si les sous-marins conventionnels modernes chinois, de la famille des Type 039/A/B/C/G, peuvent représenter un outil performant autour de Taïwan, leur efficacité, dans un conflit de plus grande ampleur, sur l’ensemble du bassin indo-pacifique, sera largement plus réduite.
Dans ce contexte, nous considérons, dans le graphique ci-dessous, la comparaison entre la flotte déployable de SSN américains, avec la flotte déployable de SSN chinois, à laquelle s’ajoute le nombre de SSK déployables divisé par 2, considérant qu’autour de Taïwan, deux sous-marins conventionnels Type 039x ont un potentiel opérationnel proche de celui d’un unique SSN classe Virginia.
Sur ce graphique, le point d’équilibre entre l’US Navy et la Marine chinoise, est atteint entre 2030 et 2031, dans l’hypothèse d’un engagement militaire autour de Taïwan. Par ailleurs, l’écart entre les deux flottes, toujours dans cette hypothèse, évolue bien moins rapidement que concernant la flotte de surface, pour n’atteindre que 25 % en 2040.
Au-delà de l’hypothèse taïwanaise, le rapport de force entre les deux flottes sous-marines américaines et chinoises, présente un aspect fort différent. Ainsi, dans l’hypothèse d’un conflit généralisé dans le bassin indo-pacifique, la seule comparaison directe entre le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque, est bien plus pertinente.
En effet, les SSK conventionnels, n’ont ni la vitesse ni l’autonomie suffisante, pour répondre à un engagement distant dynamique comme pourrait l’être celui-ci. Dans cette hypothèse, l’évolution comparée des deux flottes suivrait la trajectoire suivante
On le voit, l’US Navy conservera, dans ce domaine, un net avantage sur l’APL, y compris, jusqu’en 2040. Et ce n’est pas un hasard. En effet, contrairement à la flotte de surface combattante, ou aux flottes de projection de puissance étudiées ci-dessous, l’US Navy prévoit de produire un effort important, lors des 20 années à venir, pour moderniser sa flotte de SSN, mais aussi pour l’étendre, passant de 43 navires aujourd’hui, à 65 en 2045.
La projection de puissance : le point d’équilibre atteint en 2038.
La projection de puissance est le dernier volet de la comparaison entre la Marine chinoise et l’US Navy, autour des scénarios sino-russes. Celle-ci se décompose en deux catégories, le nombre de porte-avions, et le nombre de grands navires amphibies.
Notons que cette comparaison n’a guère de pertinence dans l’hypothèse d’un engagement Taïwanais. En effet, la proximité entre le continent chinois, et l’ile autonome, transforme l’ensemble des côtes chinoises, en une immense plate-forme de projection de puissance vers Taïwan.
Ce faisant, il conviendrait, dans cette hypothèse, de comparer tout à la fois, les capacités de projection de puissance navales militaires hauturières, navales militaires à portée plus réduite (comme les LST largement employés au sein de l’APL), ainsi que les capacités de mobilisation navale civiles, mais aussi, les capacités des forces aériennes embarquées à bord des porte-avions et des basées à terre, tout en tenant compte des flottes de soutien (tankers notamment), pour produire un résultat.
Les résultats d’une telle succession d’agrégations étant, dans tous les cas, contestables, nous nous limiterons, ici, à comparer les capacités de projection de puissance longue distance des deux flottes, dans l’hypothèse d’un conflit sino-américain dans le Pacifique, et non autour de Taïwan.
On le voit, dans ce domaine, la capacité de déploiement de porte-avions chinois rattrape celle des États-Unis à partir de 2038, tout comme la flotte amphibie de haute mer de la Marine chinoise.
Le blocus naval et aérien de Taïwan demeure l’hypothèse la plus crédible
Que nous disent ces différentes comparaisons ? En premier lieu, que l’échéance de 2027 évoquée par l’amiral Davidson, concernant la menace chinoise sur Taïwan, n’est pas une estimation grossière et empirique. C’est, au contraire, à cette date, que la flotte de surface combattante chinoise dépassera en nombre, mais aussi en VLS, celle de l’US Navy déployable dans le Pacifique.
Trois ans plus tard, en 2030, ce sera au tour de la flotte sous-marine chinoise déployable autour de Taïwan, de prendre l’ascendant sur celle de l’US Navy. La flotte de porte-avions et d’amphibies américaine, surclassera toujours très largement celle de l’APL, à cette date.
Cependant, celle-ci pourra s’appuyer sur ses forces aériennes basées à terre, ainsi que sur sa vaste flotte d’amphibies non hauturiers, comme les LST, et sur sa flotte massive de Ferries et de Roro, pour, éventuellement, mener une opération contre l’ile autonome, et ce, dés 2027.
À ce sujet, l’absence de rapport de force positif pour la Marine chinoise, dans le domaine de la projection de puissance, ainsi que des sous-marins océaniques, avant 2040, indique qu’aujourd’hui, la priorité pour l’APL, est donnée au seul cas taïwanais. On peut d’ailleurs douter que l’effort chinois sera maintenu, une fois le point d’équilibre avec l’US Navy dans ces deux domaines, si le cas de Taïwan est effectivement réglé (du point de vue de Pékin), avant cette échéance.
Bien qu’absente de cette analyse, l’étude de l’évolution de la flotte de soutien chinoise, encore limitée au regard de sa flotte de surface, accrédite encore davantage cette conclusion.
Enfin, l’effort considérable produit par la Marine chinoise, pour étendre et moderniser sa flotte de surface combattante, étant largement plus important que celui concernant les trois autres composantes de la force navale, cela tend à privilégier l’hypothèse d’un blocus naval de l’ile, plutôt qu’une action aéro-amphibie massive, qui nécessiterait un rideau défensif beaucoup plus profond, et donc davantage de porte-avions et de SSN.
Une menace bien réelle à partir de 2027 sur Taïwan, mais beaucoup plus incertaine sur le bassin indopacifique avant 2040.
On le voit, les craintes exprimées initialement par l’Amiral Davidson, au sujet d’une possible opération militaire chinoise contre Taïwan, à partir de 2027, correspondent bel et bien, aux évolutions anticipées, du rapport de force entre l’US Navy et la Marine Chinoise, dans les domaines clés nécessaires à cette mission.
Le fait est, si les forces navales de surface chinoises seront en mesure de prendre l’ascendant numérique dans une confrontation symétrique avec l’US Navy à partir de 2027, il en ira de même, dans le domaine sous-marin, en 2030, et au-delà.
Quant aux forces aéronavales et amphibies, bien que très inférieures à cette date à celles des États-Unis, elles pourront, dans le cas de Taïwan, s’appuyer sur les forces navales plus légères, comme la soixantaine de corvettes Type 056A de lutte anti-sous-marine côtière, ainsi que sur les forces aériennes basées à terre, pour palier le rapport de force défavorable dans ce domaine.
En d’autres termes, la Chine aura bien des chances de succès significatives, si elle venait à mener une opération militaire coercitive contre Taïwan à partir de 2027. Par ailleurs, ses chances iront croissantes, dans les années qui suivront.
En revanche, rien n’indique, à ce jour, que la Marine chinoise anticipe une confrontation à moyen terme avec les forces américaines, en dehors du cas et du périmètre taïwanais. Celle-ci ne disposera, en effet, ni des forces de projection de puissance, ni des forces sous-marines, ni de la flotte de soutien pour mener une telle action militaire dans le Pacifique jusqu’en 2040, sauf un brutal changement dans la priorisation de la construction navale chinoise dans les années à venir.
De même, la nature du rapport de force positif construit par Pékin, dans le domaine naval, au sujet du théâtre taïwanais, plaide largement en faveur de l’hypothèse d’un blocus naval, et peut-être aérien, plutôt qu’une action aéro-amphibie massive, pour soumettre l’ile et sa population.
Reste que, comme l’a montré la guerre d’Ukraine, l’analyse objective des rapports de force, ne doit pas être le seul point de vue envisagé pour anticiper les actions potentielles d’un adversaire supposé.
D’autres facteurs, comme des considérations de politique intérieure, ainsi que des raisons purement personnelles, liées, par exemple, à l’âge et/ou aux ambitions du dirigeant pays, peuvent intervenir, et aboutir à des décisions radicalement différentes, auxquelles il faudra être en mesure de répondre également.
Fébrilité au Pentagone et aveuglement en Europe
On comprend, dans ces conditions, les raisons de la fébrilité observée, ces derniers mois, dans le pilotage de l’effort de défense américain, en particulier au sujet de la réorganisation de certains programmes critiques, pour répondre à une urgence désormais parfaitement perçue.
Car si, pour les États-Unis, et l’Occident en général, la prise de conscience est récente concernant ces menaces, la stratégie chinoise, lui ayant donné corps, est mise en œuvre, avec emphase et efficacité, depuis deux décennies maintenant.
Reste à présent à espérer que le retard au démarrage, côté américain, ainsi que les difficultés rencontrées aujourd’hui pour transformer et adapter la programmation militaire US à ces échéances et scénarios, n’auront pas définitivement disqualifier les chances américaines de relever le défi chinois.
Quant aux européens, il est, dorénavant, plus que temps de comprendre, comme le montre cette analyse, que l’US Navy, et avec elle, l’ensemble des armées américaines, devront concentrer l’ensemble de leurs ressources à deux seules missions : la protection rapprochée des États-Unis, d’une part, et la tentative d’endiguement de la montée en puissance militaire chinoise, de l’autre.
Dès lors, et de manière presque certaine, la participation américaine à la défense collective de l’Europe, au sein de l’OTAN, sera nécessairement réduite à sa plus simple expression symbolique, voire, purement et simplement, supprimée, et ce, quel que soit le résultat des urnes outre-Atlantique, en novembre prochain.
Ainsi, parier sur le bouclier militaire américain, face à la Russie, et sur le poids stabilisateur des armées américaines sur les théâtres adjacents (Balkans, Méditerranée, Afrique, Proche et Moyen-Orient, Caucase), s’avère être, très certainement, un très mauvais calcul politique, c’est aussi une erreur stratégique monumentale, aux conséquences potentielles dramatiques.
Article du 23 juillet en version intégrale jusqu’au 31 aout 2024
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